lundi 11 octobre 2010

Les Nostradamus de l'info

Créer l'événement avant l'événement. "C'est nouveau, ça vient de sortir", aurait dit Coluche, et c'est l'oeuvre du grand "albertlondres".

Jamais dans l'histoire du CP, personne n'avait osé manipuler l'information de la sorte. Avec l'arrivée des "gentils ch'tis", l'indépendance de la rédaction en a pris un sacré coup. Heureusement, il reste encore quelques journalistes pour qui éthique et déontologie ont un sens. Grâce à eux, les lecteurs ont eu droit le vendredi 8 octobre 2010 à un compte-rendu du conseil municipal d'Amiens
conforme aux faits.
Mais il l'ont échappé belle parce que la nouvelle hiérarchie mise en place depuis septembre ne s'encombre pas de ces principes. Elle savait plusieurs heures avant la réunion des élus comment allait se dérouler le conseil municipal, comment il fallait rédiger le compte-rendu, quel angle le scribouillard devait donner à son papier. Ce jeudi 7 octobre 2010, elle avait tout anticipé.

Une association de commerçants du centre-ville avait décidé d'exprimer son mécontentement face au nouveau plan de circulation instauré le 4 janvier dernier, en allant chahuter un conseil municipal prévu à 18 heures à l'Hôtel de Ville. La réunion s'annonçait animée et nos Nostradamus de l'info avaient décidé d'écrire le début du papier en milieu d'après-midi. On n'est jamais trop prudent d'autant que, depuis le 20 septembre 2010, les "gentils ch'tis" nous obligent à boucler le journal à 22h10.

"Vent de révolte hier sur la ville" avaient-ils titré avec un sous-titre tout aussi mesuré : "Hier en fin d'après-midi, les commerçants du centre ville et des professions libérales ont manifesté contre le plan de circulation, avant de s'inviter au conseil municipal. Un conseil de rentrée qui s'est ouvert dans une ambiance tendue."
Comme si cela ne suffisait pas, nos éminents chefs recommandaient aux "journaleux" de "commencer ce papier par le paragraphe d'intro suivant :

"Hôtel de ville d'Amiens, hier 18 heures. Un imposant cortège de près de 1000 manifestants arrive devant la mairie. Pour la deuxième fois en moins d'un an, des commerçants, rejoints par des professions libérales ainsi que des anonymes, ont défilé dans le centre ville d'Amiens pour dire non au plan de circulation. Ils ne terminent pas leur marche de fronde devant la mairie par hasard. D'une part, ils interpellent le maire. Mais d'autre part, ils veulent se faire voir et entendre alors que débute le conseil municipal de rentrée (lire ci-dessous)."
Là, le porte-plume invite son sous-fifre à rédiger un "INTERTITRE" avant d'enchaîner sur le début du compte-rendu qui doit s'ouvrir (il en a décidé ainsi) par : "La manifestation a débuté une demi-heure plus tôt, place René Goblet." A partir de là, notre "envoyé spécial" pouvait se lâcher.

Heureusement, il existe encore au CP des journalistes qui ont une conscience professionnelle. Ils ont refusé de se plier à ces méthodes et ont exigé de publier leur papier rédigé en direct de la salle du conseil municipal.
Une révolte salutaire car les manifestants n'étaient pas "près de 1000" (selon la police journalistique) mais "une centaine" (selon les journalistes présents). Les Madame Soleil de l'info n'avaient pas prévu non plus que le maire Gilles Demailly allait annuler la séance.

La CFDT dénonce cette grave dérive. Elle défend un droit à une information de qualité et apporte son soutien à tous ceux qui refusent une rédaction formatée.

1 commentaire:

  1. Bravo aux journalistes pour qui le mot déontologie a encore un sens!!!

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