vendredi 14 février 2014

Mesures de rétortion contre la rédaction

Des journalistes privés d'augmentation salariale pour avoir osé demander à la Commission des droits d'auteur des journalistes (CDAJ) de faire respecter la loi, telle est la punition infligée par la direction du Courrier picard à sa rédaction.
Tout commence en janvier 2013. Les partenaires sociaux s'engagent dans une double négociation que le DG entend boucler vite fait en trois mois. Il s'agit, avec le projet de mise en place en février 2014 d'un nouveau système éditorial imposé par la maison mère, le groupe Rossel-Voix du Nord, d'élaborer deux nouveaux accords d'entreprise : un sur les nouvelles qualifications liées à l'arrivée de CCI Newsgate (le nom du système), l'autre sur les droits d'auteur. Le multimédia imposé par CCI, rend obsolète l'accord de janvier 2007, par ailleurs caduc depuis juillet 2012.

Effectifs remis en cause

Des négociations qui commencent  mal. Au bout d'un mois, les syndicats constatent que la direction n'entend pas respecter ses engagements sur un effectif de 87 journalistes minimum. Le chiffre confirmé officiellement par le rédacteur en chef à la première réunion est remis en cause par le directeur général  fin janvier. Les syndicats protestent et quittent la table des négociations. Fin mars 2013, le directeur s'engage "à continuer sur une rédaction à 87 CDI". Un engagement qu'il reniera en octobre.
La direction estime en juillet 2013 que la négociation sur les qualifications a assez duré. Elle décide de passer à celle sur les droits d'auteur, en septembre.
Pour la CFDT, on n'a pas avancé d'un pouce. La seule nouveauté porte sur la création d'un poste d'éditeur, à savoir un secrétaire de rédaction d'édition, payé 5 points d'indice de moins qu'à la Voix du Nord pour le même travail. Sept journalistes seraient concernés.
Les autres se voient imposer dans leurs définitions de tâches des fonctions et des compétences nouvelles mais ils n'ont droit à rien. Ils émargeront au même indice qu'avant et perdront les primes de secrétariat de rédaction qui leur étaient attribuées.
Selon nos estimations, avec ce nouvel accord, la direction réduit même sa masse salariale. On est dans le travailler plus pour gagner moins.

Des débats expédiés

Les débats autour des droits d'auteur sont expédiés en deux réunions. La direction propose royalement 500 euros (contre 700 à la VdN) et rejette toute idée de rétroactivité.Ses arguments sont toujours les mêmes : on n'a pas d'argent. Sauf qu'on découvre qu'elle accorde de confortables augmentations individuelles à quelques cadres de la rédaction.
La position de la CFDT est simple : les journalistes du Courrier picard ne sont pas des sous-journalistes du groupe Voix du Nord. Ils ont droit au même traitement que leurs confrères lillois.
La pilule est d'autant plus amère que le directeur général, n'ayant accordé aucun fifrelin au titre des qualifications, nous avait dit en substance : vous allez voir, avec les droits d'auteur, vous pourrez vous rattraper.
Promesse non tenue comme celle sur les effectifs.
Dans ce contexte, pas question pour la CFDT de signer le moindre accord. Avec le SNJ et FO, nous saisissons  la CDAJ début décembre 2013.
Dans sa décision du 29 janvier 2014, elle nous accorde 200 euros (contre 100 dans le projet de la direction) pour l'exploitation des oeuvres au sein du titre de presse. Elle nous renvoie à la négociation avec obligation d'aboutir avant le 30 avril 2014 pour les autres facettes de la rémunération et demande l'application de  la rétroactivité des sommes dûes au 15 juin 2012.

 Quand NAO rime avec zéro

La négociation annuelle obligatoire (NAO) entre alors en piste.
Première réunion, le 4 décembre: les résultats sont mauvais, nous n'avons pas un sou, les augmentations 2013 seront égales à zéro.Dixit la direction.

Deuxième réunion, le 3 janvier 2014: les résultats de fin d'année sont finalement meilleurs que prévu. Si on parvient à l'équilibre par rapport au budget prévisionnel, vous aurez droit à + 0,5% au 1er octobre 2013. Sauf les journalistes. Si la CDAJ nous oblige à leur verser plus que ce qu'on leur proposait, ils n'auront rien.
Troisième réunion, le 12 février 2014 : on confirme les 0,5% aux cadres et aux employés ainsi que le zéro pointé pour la rédaction. Tollé général parmi les syndicats. La CGT propose un +0,25% au 1er octobre 2013 puis un +0,25% au 1er octobre 2014, tout en précisant que, même si c'est accordé, elle ne signera pas l'accord de NAO.
En fin de journée, après en avoir sans doute référé à Lille, le directeur général se rallie à la CGT.

 Mauvais joueur

Pour la CFDT, cette mesure de rétorsion est inadmissible. C'est plus facile de nous faire payer les pots cassés que d'aller avouer ses erreurs auprès de ses patrons de la VdN.
Si la CDAJ impose aujourd'hui la rétroactivité des droits d'auteur, c'est parce que la direction n'a pas respecté ses engagements.
En décembre 2010, le procès verbal des NAO stipule que suivant les propositions de la direction,  "une réunion de négociations sur les droits d'auteur sera programmée en janvier 2011, au préalable une analyse de la loi Adopi doit être réalisée".
Rien ne sera fait et à la NAO suivante (fin 2011), la CFDT demande que soit acté au PV que "la Direction avait pris un engagement de négocier les droits d'auteur en janvier 2011 et que ce dernier n'a pas été respecté".
Mélanger un dû reconnu par la loi et une augmentation de salaire dans le cadre d'une NAO relève d'une mesure répressive destinée à nous faire payer notre action syndicale. C'est aussi indirectement (mais à quel prix !) un hommage à notre travail et à notre action de défense des journalistes.
Cette mesure de rétorsion d'autant plus étonnante que la direction a convenu, devant  les rapporteurs de la CDAJ, qu'il "appartiendra aux parties d'intégrer" cette rétroactivité.

CCI dans la douleur

La CFDT met néanmoins en garde cette direction qui reprend d'une main ce que le législateur l'oblige à verser de l'autre.
Qu'elle réfléchisse bien aux conséquences de sa décision !
La mise en place de CCI Newsgate se déroule dans la douleur, contrairement au discours officiel.
Le rédacteur en chef  n'en est-il pas à demander à des journalistes d'afficher un large sourire quand ils quittent leur poste de travail afin de ne pas démoraliser les autres pas encore confrontés à ce magnifique progrès technique.
Le climat social dans le contexte CCI pourrait bien exploser sans que personne ne voie rien venir. D'autant que d'autres inquiétudes planent.
La politique rédactionnelle qui tend à réduire la pagination alors que le prix du journal doit augmenter prochainement, ne sera pas sans conséquence sur des ventes en baisse continue. Près de 5 000 journaux perdus depuis l'arrivée des sauveurs nordistes !.