mardi 27 octobre 2009

Ma scop m'a tuer

C'est beau une Société coopérative ouvrière de production ! Une Scop, pour les intimes.
Des salariés qui se regroupent, fondent leur entreprise, partagent le travail, cogèrent, élisent leur dirigeants, les révoquent si besoin. L'idéal dont rêve tout salarié.
Depuis 1945, le Courrier picard est une scop. Elle va le demeurer encore quelques semaines. Fin 2009, la scop aura vécu. Un an après sa soeur jumelle l'Yonne républicaine, elle va à son tour disparaître pour tomber dans l'escarcelle de la VdN et du groupe Rossel.
Quand en 2001, les sociétaires, ces salariés qui composent la scop, ont élu un nouveau président, ils ignoraient qu'ils venaient de désigner un "éricbesson" qui allait les trahir et livrer leur outil de travail à un grand groupe de presse.
Cette liquidation d'un des derniers quotidiens français encore indépendant, la CFDT l'a vue venir dès 2003 avec la vente du patrimoine immobilier, situé en plein centre-ville d'Amiens. "Quand on vend les bijoux de famille, avions-nous dit à l'époque, c'est le début de la fin." Et de prévoir alors cette fin pour 2010 !
En 2001, le nouveau président a amené dans ses bagages un directeur général recruté au Crédit agricole, actionnaire minoritaire du Courrier picard. Ce dernier ignorait tout de la presse mais était plein de certitudes. Résultat : en 8 ans, il a mené à la faillite une entreprise qui venait de se relever d'un dépôt de bilan survenu en 1985.
Il a liquidé le patrimoine et s'est lancé dans des investissements ruineux dont il n'a jamais obtenu de retour. Et pour cause, dès le départ, tout le monde savait que ses projets étaient voués à l'échec. Pour n'avoir pas été étudiés sérieusement, ils creuseraient un peu plus notre déficit.
La CFDT a été la seule à dénoncer ses agissements. Cela lui a coûté cher. Ses représentants ont subi une politique de harcèlement, multipliant avertissements et autres mises à pied sans fondements.
Pour en arriver là, le DG a bénéficié de complicités.
En premier lieu, la VdN, actionnaire minoritaire, elle aussi. Ses deux représentants au conseil d'administration ont encouragé sa politique mégalomane. Il fallait hâter la ruine du CP pour le ramasser à moindre prix. Opération réussie !
Les cadres du journal, ensuite. Ils les a tous recrutés à son image. Ceux qui n'adhéraient pas à sa démarche étaient soit remerciés (2 directeurs de la filliale publitaire sont partis en 4 ans), soit mis au placard. Des salaires hors de proportion avec les moyens du journal et des primes généreuses ont récompensé leur fidélité (800 euros par mois pour certains).
Les élus enfin, ceux du conseil d'administration qui se sont laissé confisquer leurs prérogatives, ceux du comité d'entreprise qui n'ont jamais voulu dénoncer ses agissements.

La mort du statut coopératif, c'est aussi l'échec de la Fédération nationale des Scop.
Son image en prend un sacré coup. Elle qui multiplie les opérations de pub dans la presse nationale, n'a rien fait pour sauver le CP, ni l'Yonne républicaine en 2008.
Quand ses représentants interviennent en assemblée générale des sociétaires, c'est toujours pour apporter leur soutien à une direction qui bafoue allègrement l'esprit et les règles coopératives.
La Fédération des Scop, il faut le savoir, c'est le Medef du mouvement coopératif.

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